Bien que l’existence des mycotoxines soit reconnue, de nombreuses idées fausses circulent encore dans le secteur et conduisent à des conclusions erronées. Dans cet article, nous nous concentrons sur trois idées fausses liées aux mycotoxines chez les bovins laitiers.

Idée fausse n°1

« Un ensilage exempt de moisissures visibles est exempt de mycotoxines »

Les producteurs laitiers examinent souvent l’ensilage pour évaluer si ce dernier est exposé à un risque de mycotoxines. Cependant, il n’y a guère de relation entre les moisissures et la présence de mycotoxines dans l’ensilage.

Les champignons produisant des mycotoxines peuvent être classés en deux catégories, les champignons de champ et les champignons de stockage (tableau 1). Les champignons de champ sont des moisissures qui infectent et se développent sur les cultures dans les champs. Ces champignons appartiennent principalement au genre Fusarium et produisent de la zéaralénone (ZEA), du déoxynivalénol (DON), de la toxine T-2 (T2) et de la fumonisine (FUM). Ces toxines sont stables, de sorte que les concentrations de toxines de fusarium présentes dans l’ensilage reflètent les niveaux de contamination au moment de la récolte. Il s’agit de la principale classe de toxines présentes dans l’ensilage, de sorte que l’ensilage peut être fortement contaminé même si aucun champignon visible n’est présent.

CatégorieEspèces fongiquesMycotoxine
Aspergillus flavus
Aspergillus parasiticus
Aflatoxin B1, B2, G1 et G2
Champignons de stockageAspergillus ochraceus
Penicillium verrucosum
Ochratoxin A
Penicillium roquefortiMycophenolic acid
Rocquefortine C
Fusarium graminearum Fusarium culmorumDeoxynivalenol
Champignon de champFusarium graminearum Fusarium culmorum Fusarium sporotrichioidesZearalenone
Fusarium sporotrichioides Fusarium poaeT-2 Toxin
Fusarium verticillioides Fusarium proliferatumFumonisin B1, B2 and B3
Tableau 1 : Aperçu des principaux champignons et mycotoxines présents dans l’alimentation pour bétail

Le deuxième groupe de champignons est appelé « champignons de stockage ». Ces champignons se développent et produisent des mycotoxines pendant le stockage. Ce type de moisissures est reconnaissable aux poches de moisissures présentes dans l’ensilage et apparaît sous différentes couleurs selon l’espèce fongique spécifique. Une moisissure courante dans l’ensilage est le Penicillium roqueforti (figure 1), car il est tolérant à l’acide et peut se développer avec une faible concentration d’oxygène. Outre l’acide mycophénolique, cette moisissure produit des roquefortines susceptibles de provoquer des symptômes tels que des troubles de la reproduction, des mastites, un manque d’appétit et une paralysie. Globalement, ces moisissures doivent être évitées, car elles réduisent la qualité nutritionnelle de l’ensilage.

Figure 1 : Le Penicillium roqueforti dans l’ensilage a une couleur bleu-vert à gris blanchâtre.

Idée fausse n°2

« L’ensilage ou la RTM ne contient que peu voire pas de mycotoxines »

Des recherches récentes menées par l’Université de Gand en Belgique ont permis d’évaluer 257 échantillons de maïs, plante entière destiné à l’ensilage au moment de la récolte, dans toute la Flandre, sur une période de trois ans. Pour un pays au climat tempéré, on aurait pu penser que la contamination par les mycotoxines serait minime. Après avoir testé 22 mycotoxines, il est apparu que 47 % des échantillons contenaient 5 mycotoxines ou plus, 99,2 % étaient contaminés par le nivalénol (NIV), 85,6 % par le DON et 49,8 % par le ZEA (Tableau 1). La contamination dépassait les directives de l’UE dans 2,8 % et 7,8 % pour le DON et la ZEA respectivement.

Échantillons positifs %Concentration moyenne (µg/kg DS)Concentration maximale (µg/kg DS)Échantillons excédant la directive de l’UE (%)b
Nivalenol (NIV)99.2748.76776.3
Deoxynivalenol (DON)85.2396.45322.42.3
Zearalenone (ZEA)49.8159.72791.67.8
Enniatin B (ENN B)36.3149.51984.9
Fumonisina (FUM)28.6131.86293.5
Roquefortine C (ROQ-C)1.70.430.4
Tableau 2 : Sélection des mycotoxines trouvées dans le maïs d’ensilage récolté en Flandre en 2016, 2017 et 2018 (Université de Gand, Belgique)
a Fumonisine = somme de la fumonisine B1, de la fumonisine B2 et de la fumonisine B3
b ‘-‘ signifie qu’il n’y a pas de recommandation de l’UE pour cette mycotoxine, la recommandation de l’UE est de 2 000 ppb pour le DON et de 500 ppb pour la ZEA.

Au niveau de l’ensilage, le profil des mycotoxines était similaire à celui du maïs récolté. Les mycotoxines de stockage typiques comme l’aflatoxine et l’ochratoxine A n’ont pas été trouvées dans les ensilages belges, mais la roquefortine C, une autre mycotoxine de stockage, était présente dans 6,8 % des échantillons avec une concentration moyenne de 24,4 µg/kg DS et un niveau maximal de 1 065 µg/ kg DS. Cette recherche indique clairement que même dans des climats modérés tempérés, les mycotoxines sont présentes à des niveaux sérieux imposant des défis aux producteurs laitiers qui comptent sur la qualité du fourrage cultivé par leurs soins.

Idée fausse n°3

« Les ruminants ne sont pas sensibles aux mycotoxines »

On affirme souvent que les ruminants ne sont pas sensibles aux mycotoxines, car le microbiote du rumen est capable de neutraliser ou de détoxifier les toxines. Des recherches récentes ont montré que le processus naturel de détoxification dans le rumen n’est dans de nombreux cas pas suffisant pour protéger les ruminants contre les effets toxiques des mycotoxines.

Les effets toxiques des mycotoxines chez les ruminants dépendent de différents facteurs dont le taux de détoxification naturelle, le pH du rumen, l’activité microbienne, le type de mycotoxines, le stade de lactation, le taux d’absorption dans les intestins et la toxicité spécifique. Le tableau 3 donne un résumé général du risque de DON et de ZEA chez les vaches en lactation en considérant que l’alimentation contient une concentration importante de ces mycotoxines et que le temps de transit dans le rumen est d’environ 10 heures.

MycotoxineÉtat de santé rumen1Détoxification du rumen après 10 heures*Effet cytotoxique TGI**Effet systémique***
DONaNormal± 50%MoyenMoyen
SARA± 5%ÉlevéMoyen
ZEAbNormal0%Faible Élevé
SARA0%Faible Élevé
Tableau 3 : Niveau de risque simulé de DON et de ZEA chez les vaches laitières en lactation selon différents états de santé du rumen (basé sur la recherche doctorale Université de Gand, Debevere, 2020)
a La détoxification du DON dans le rumen fait référence à sa dégradation en DOM-1.
b Le ZEA n’est pas détoxifié dans le rumen, mais une partie est métabolisée en α- et ß-zéaralénol. L’α-zéaralénol est 10 fois plus œstrogénique que la mycotoxine originale.
1 Le pH normal du rumen est supposé être de 6,8 ; dans des conditions d’acidose subaiguë du rumen (SARA), le pH du rumen tombe en dessous de 5,8.

Calculé sur la base des taux de détoxification 6 et 24 heures après l’ingestion.
** En tenant compte de la détoxification du rumen et en supposant que la durée moyenne de transit des aliments dans le rumen est de 10 heures.
*** En tenant compte du taux d’absorption rapporté dans le tractus gastro-intestinal.

Nous pouvons en conclure que les mycotoxines sont omniprésentes. Des tendances telles que le changement climatique, l’absence de labour et la réduction des fongicides vont probablement augmenter la charge en mycotoxines. Les vaches laitières ne sont pas en mesure de détoxifier complètement les mycotoxines. De plus, les symptômes sont difficiles à relier aux observations et aux problèmes quotidiens, qui ne sont pas spécifiques.

Il est temps de prendre plus au sérieux les risques liés aux mycotoxines. Il existe aujourd’hui des méthodes fiables, rapides et relativement bon marché pour détecter les mycotoxines. Lorsque des niveaux élevés sont détectés dans les rations mixtes totales ou l’ensilage, il est conseillé d’utiliser un capteur de toxines dont l’efficacité est prouvée. Ce dernier doit neutraliser les toxines dans le tractus gastro-intestinal avant qu’elles ne puissent nuire aux animaux. Pour les vaches laitières à forte production, il est recommandé d’appliquer une dose d’entretien de capteur.

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Marc Intven
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